6e République? Mandat impératif!

Publié le par cassetoi-vlp

Voilà, depuis le temps que ce blog dormait, ça y est. J'ai trouvé un thème qui me chatouille suffisamment pour m'y remettre. Ces jours-ci est organisée une votation (pas un vote officiel, donc) pour la 6e République. Je regardais ça d'un peu loin, jusqu'à tomber sur un article de Gauche de Combat titré : « le droit de révocation des élus, de quoi rendre du pouvoir au peuple ? Votre avis m’intéresse… » où il invite à débattre sur le fil de commentaires. Et je n'ai pas trouvé le bouton, faut pas m'en vouloir, les seniors, parfois...

Donc, le sujet m'intéresse. Pas depuis hier, même pas depuis que la 6e République est au programme du Front de Gauche, c'est chez moi une démangeaison fort ancienne. Je n'ai rien contre le droit de révocation, a priori. Des élus qui se sauraient révocables auraient moins tendance à reproduire les baronnies d'Ancien Régime, c'est assez évident. Mais cela n'empêcherait en rien d'abuser des moyens de la propagande et de la démagogie pour persuader le populo du bien-fondé de son action. Ce n'est pas parce qu'un élu serait révocable qu'il ferait forcément la politique pour laquelle il a été élu. À mon avis ce serait juste une montée en puissance du matraquage médiatique, et passez muscade. Il y a une autre solution à laquelle je songe depuis longtemps, et dont personne, malgré mes demandes, n'a su pour l'instant me montrer la stupidité. Alors je me dis que :

  • soit elle n'est pas stupide

  • soit quelqu'un va lire cette note et m'expliquer enfin en quoi c'est nocif ou impraticable.

Ah, oui, au fait : comme je suis un peu feignant, je vous replace des notes que j'avais prises il y a quelques années, habilement remises à jour.

 

Ça commence ici :

 

Un responsable politique ne doit surtout pas être élu. Embauchons-le comme un Conseil d'Administration son PDG. Et révoquons-le s'il ne fait pas l'affaire.

Il faut voter sur le projet. Avant. Sur chaque point important s'il le faut. Par Internet à la poste s'il le faut. La technologie aujourd'hui permettrait de multiplier les votes, nationaux, municipaux, régionaux,... Si l'on confie son code de carte bancaire au réseau, on serait prêt à lui confier son vote.

Que le candidat sache dès le début à quoi il s'engage. Ce sera plus efficace qu'une promesse électorale. Les grands-pères des Lumières manquaient de recul pour discerner que ce n'est pas le choix des gouvernants qui garantit l'intérêt général, même s'ils sont révocables. On peut difficilement imaginer comment un type à qui on dit: «tu es le chef maintenant» saurait mieux que nous ce qui est bon pour nous. La liberté ne consiste pas à choisir le guide puis à le suivre, mais à donner le cap à l'homme de barre. Que je sache, sur un porte-avions grand comme une ville, le type qui tient le manche est un sous-fifre. Il est déjà assez occupé avec sa roue, ses instruments, et que sais-je. Réfléchir et décider, d'autres s'en occupent.

Donnons nous-mêmes les ordres dans la démocratie et la transparence. Le projet final ne pourra être que public, et probablement bien connu, après une campagne référendaire. Et que celui - celle - qui en est capable le mette en oeuvre. Ou rentre chez soi si les résultats ne suivent pas.

Les partis politiques pourraient continuer à défendre leurs idées, totalement dégagés des compromissions du pouvoir et de sa recherche. Une règle de non-cumul très simple permettrait de séparer absolument les charges d'élaboration et les missions d'exécution des politiques publiques, les responsabilités dans un parti et dans la conduite des affaires.

Il y a là un gros vice, et peut-être le vice majeur de notre fonctionnement. La légitimité d'un bonhomme, çà n'existe pas. Au pire, demain il fracture un plomb. On peut lui lécher les pieds en remerciement du passé, on ne peut pas dire ce qu'il fera dans une heure. Un élu qui fait le contraire de ce que veut le corps électoral, il n'y a pas trente-six explications: Il est persuadé d'avoir raison contre tout le monde, que ses électeurs sont des mineurs pas à même de décider raisonnablement, alors que lui... Visiblement le pouvoir l'a rendu fou. De toute manière, trop de pouvoir dans les mêmes mains, ce n'est guère sain, en tout cas pas assez pour l'ériger en système. Or il est des pouvoirs insécables, des décisions à prendre bien trop importantes pour une seule tête. Le corps électoral entier doit en être responsable. Seulement, voilà: il faut bien un responsable exécutif. Un cadre opérationnel. Bon, çà se trouve, pas de quoi en faire un fromage.

Non, la seule légitimité, c'est le projet, l'objectif, le mandat. La décision collective de l'orientation de notre destin commun. C'est un peu «Allons-z-enfants!...» , je sais, mais n'empêche. Démocratie. Gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Si le peuple gouverne, il décide ce que l'on fait, il ne choisit pas qui fera ce qui lui plaît.

Voyons par exemple le premier des maux dénoncés par les intervenants qui se veulent sérieux, dans les dernières campagnes électorales: la pipolisation. Les tuyaux nous gavent d'anecdotes et de supputations à seule fin d'éclaircir la vraie personnalité des candidats. Dérive à usage hypnotique ? Pas tant que çà. Si l'on s'intéresse plus aux personnes qu'aux programmes, c'est que notre sort en dépend beaucoup plus. Tout petit, déjà, j'entendais l'expression « promesse électorale » utilisée par les adultes un peu comme « minute de coiffeur » ou « monnaie de singe ». Les anciens ne manqueront pas de soupirer de nostalgie, c'était le début des années 60. Aujourd'hui, de tels vocables ont totalement disparu de notre vocabulaire. « Programme » a survécu, mais un programme, comme chacun sait, doit s'adapter aux circonstances. La vraie question qui se pose à l'électorat est : « Qui sera gentil avec moi, me sera bon maître, pressurera les autres et pas moi ? » C'est tout bonnement féodal. Choisissez-vous un patron (au sens romain), un suzerain, et choisissez-le (la) bien. Il fera ce qu'il voudra. Alors que veut-il vraiment ? Que risque-t-il de devenir dans les années à venir ? Quelle est sa personnalité profonde ? Ces questions sont loin d'être ineptes, finalement. Le problème c'est d'avoir à se les poser.

D'ailleurs c'est à tous points de vue plus qu' archaïque, cela évoque pour moi Dumézil et ses trois fonctions sociales communes à tous les héritiers des Indo-Européens: Prospérité-Fécondité, ce que j'appellerai « éthique » (droit et religion), et Guerre. Ces chefs de guerre, justement, dont le nom dit assez le succès du concept, étaient appelés Riks, qui donnera rex, roi etc.. n'étaient semble-t-il munis d'autorité que le temps du conflit. Encore celle-ci n'était-elle pas totale, et fallait-il que les guerriers veuillent faire la guerre pour que le riks puisse la conduire. Les chefs francs qui prirent le contrôle de la Gaule du nord, à partir du IIIe siècle de notre ère, bien que déjà beaucoup plus installés dans l'autorité, se heurtèrent encore au problème, particulièrement lors de conflits entre Francs, où les guerriers purent contraindre les chefs à s'accorder en refusant de se battre.

L'institution, donc, palliant au besoin de se donner un conducteur chanceux et si possible compétent pour coordonner les actions de combat, remonterait au moins au premier âge du Bronze, la sortie du néolithique, autant dire de la préhistoire. Ensuite des séparations avaient eu lieu, et les traits culturels postérieurs ne sont pas partagés par tous.

Pour en revenir à notre proto-roi, il était alors bien entendu qu'on le plaçait au premier rang jusqu'à exécution d'une mission, et pas plus. Ceci sous contrôle strict de ses mandants. Déjà vu cela quelque part ? On parle depuis longtemps mais insidieusement de contrats de mission pour certains salariés. Un peu comme si on avait du mal à rendre la chose acceptable: à force d'utiliser le mot, il faudra bien que l'objet existe. On a déjà vu réussir de telles manoeuvres. Malheureusement elles prennent un temps fou. Il y aurait plus simple. Une expérimentation réussie est le meilleur des propagandistes. Que les responsables politiques se l'appliquent à eux-mêmes. Quiconque en aura vu les merveilleux effets n'en voudra plus d'autre.

Deuxième souci: qui peut être attiré par le poste au point de se battre des années durant pour y accéder? Cette fantastique accumulation de pouvoir, accessible après une lutte féroce, peut difficilement induire une sélection basée sur le dévouement à l'intérêt collectif. Actuellement, le point commun de tous les candidats ayant la moindre chance, c'est d'être de grands fauves. Sinon ils n'y arrivent pas. On est forcément imbu de soi-même à un point quasi pathologique.

(Fin des notes)

Alors effectivement, quand on parle de changer le mode de sélection et les missions des responsables politiques, on envisage une nouvelle constitution, qui serait forcément la 6e République. Mais à mon avis, le pouvoir de révoquer les élus sur referendum serait nécessaire à une transition démocratique, mais n'y suffirait certainement pas. Ce serait même un moyen de décevoir et dégoûter encore plus les citoyens de se mêler de ce qui les regarde, lorsqu'ils auraient vu que cela non plus ne fonctionne pas.

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A
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> <br /> Cordialement
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M
voilà une idée qu'elle est bonne : le programme <br /> mais là aussi il faut dresser les chiens de garde du système
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G
mieux qu'un commentaire... tout un billet ! parfait ! Vive le débat ! merci.
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