D'où sort-elle, cette dette ? (suite)

Publié le par cassetoi-vlp

Le déficit de l'état est donc présenté comme le fruit de dépenses sociales excessives. Cette cause est-elle réelle, ou nous bourre-t-on le mou ?

Pour commencer, rappelons tout de même que cette crise est à l'origine celle de la finance privée! L'économie américaine vit de l'endettement des consommateurs, et la ressource menaçant de faire défaut, on a endetté des gens qui n'en avaient pas les moyens. Ils ne pouvaient plus payer ? Qu'importe, on vendait leur maison et la banque rentrait dans ses fonds. Ceci fonctionna tant que les prix de l'immobilier grimpaient, la vente permettant même de récupérer l'essentiel des intérêts. Les seules victimes étaient des pauvres, on n'en faisait pas un fromage.

Et puis un beau (?) jour, un trop grand nombre d'emprunteurs a fait défaut. On avait abusé du système. Le doigt toucha le fond du pot de confiture. Ces quantités de maisons saisies et mises en vente ont fait s'effondrer les prix de l'immobillier: panique à bord. Les banques ont alors dissimulé ces crédits pourris (subprimes) dans des titres, mélangés avec des actifs sains, et ont vendu ces placements à tout le monde, à commencer par leurs confrères et concurrents.

La suite est bien connue, faillite de la banque Lehman Brothers, presque faillite de la plupart des grandes banques occidentales, montrant ainsi jusqu'où elles étaient mouillées dans la combine: à ras des narines.

Ici une incise, ceci n'aurait du toucher que les banques d'affaires, pas celle qui a son guichet entre la boulangère et la fleuriste. Malheureusement, quelques années auparavant, on avait eu la mauvaise idée d'autoriser votre banque à se lancer à corps perdu dans la spéculation. Et vu ce que ça rapporte, on ne peut guère les blâmer d'en avoir tâté: c'est leur métier, après tout, la reproduction des billets. Elles ont donc bu un bouillon sévère. Autre inconvénient de ce mélange des genres, faire des prêts aux particuliers et aux entreprises devenait beaucoup moins vital pour elles: Le capital placé chez vous (ou chez la boulangère) rapporte nettement moins que celui avec lequel on spécule.

Cet aspect-là, on ne l'a guère entendu développer au 20 heures, et plus du tout depuis un bon moment. Dissimulation des causes.

Revenons donc à l'épisode "panique chez les banquiers". Nous les avons donc renflouées, vous, moi, la boulagère et l'usine de chaussures, avec nos impôts. Revoila la socialisation des coûts. Ce fut fait par l'entremise de prêts qu'elles ont pu rembourser en quelques mois, c'est dire si l'affaire est juteuse. D'autant que, souvenez-vous, il resta suffisamment de jus pour napper généreusement dirigeants et traders. Cela a bien un peu agacé dans les chaumiéres, mais TINA! Pas moyen de faire autrement. C'est la faute à la mondialisation.

Leurs prêts remboursés, les banques se tinrent pour quittes. Elles le pouvaient, on ne leur avait demandé aucune contrepartie. Différence majeure avec "avant", elles se mirent à prêter beaucoup moins volontiers, y compris aux autres banques, vu que personne ne pouvait dire ce qui restait comme actifs pourris dans leurs bilans, et que crédit ça comence par confiance. Depuis ce moment, l'argent circule dans l'économie réelle avec la fluidité d'une huile figée dans une boîte de vitesses. Et une économie dans laquelle l'argent circule mal, pas besoin de vous faire un dessin. Perte de clientèle, récession, chômage, recettes fiscales et protection sociale dévalent la pente... Nous voilà à aujourd'hui. Ou presque, il reste un détail pittoresque à inclure dans le tableau.

Si les recettes des états baissent, leurs besoins, notamment sociaux, sont gonflés par la situation. Il leur fait donc beaucoup de crédit. Et qui leur fait crédit ? La Banque Centrale Européenne (de son petit nom, BCE). Enfin, pas vraiment. C'est interdit par le traité de Lisbonne. Rappelez-vous, celui que nous avions sorti par la porte au référendum de 2005 et que Sarko nous a recollé par la fenêtre, à peine au pouvoir. Celui-là, il sait où sont les priorités... Enfin, ne nous égarons pas. Donc, la BCE n'a pas le droit de prêter directement aux états. Sinon, ils font n'importe quoi et on se retrouve à acheter le pain avec une mallette de billets comme en Allemagne juste avant Hitler. Et ça, les Allemands en ont très peur. Donc, la BCE prête, mais aux banques privées. Gentiment, elle leur fait des taux généralement inférieurs à 2%. Et ces banques à leur tour prêtent l'argent aux états, en achetant les obligations qu'ils émettent. Là, les taux sont beaucoup moins gentils. Pour savoir à quel taux prêter, elles demandent à des sociétés de notation (qui se font appeler "agences", ça fait plus sérieux en Etatzunien) : "Quel est le risque de ne pas être payé ?" Et si les notations ne sont pas bonnes, le taux n'est pas gentil. Pour la Grèce, il a pu frôler les 20%. Par an! Comparez avec votre crédit immobilier qui ne passe guère les 5%, et pour lequel à la fin vous aurez remboursé deux fois le capital.

Alors, d'où elle sort, cette dette?

Publié dans Dette

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