Le Traité d'Or

Publié le par cassetoi-vlp

Vous avez peut-être – ou peut-être pas – entendu parler du nouveau traité européen. Ou alors si peu et si rapidement que le fait ne vous aura pas frappé. Présenté par les princiaux médias, il ne semblait guère plus qu'une étape de la course en double Merkel-Sarkozy pour sauver l'Europe. De « sommet de la dernière chance » en « accord in extremis », on s'y perdait un peu, avouons-le. Surprenant, quand on a constaté à quel point lesdits médias sont capables de matraquer une information, à l'occasion.

Donc, nous avons un nouveau traité européen. Et celui-là n'est pas passé par la case « référendum ». En même temps, si l'on se rappelle le succès de la manœuvre en 2005, les moyens inconcevables mis en œuvre pour le oui, et le franc succès du non... Recommencer un tel barnum ? En pleine campagne électorale ? Et tous ces braves électeurs de droite qui vont voir leur quiétude troublée par des questions inutiles ? Les décideurs sont là pour décider. On appelle cela... Euh, non, on évite de dire comment cela s'appelle.

Donc, les peuples d'Europe, unis dans un élan de fraternité, se sont librement donné un nouveau cadre, faisant ainsi encore progresser l'effondrement de toutes les barrières anciennes qui les ont autrefois séparés.

Youpi.

 

Quatre mensonges dans la même phrase. Petit joueur, mais tout le monde n'a pas fait l'ENA... Voyons un peu dans le détail, c'est encore plus fascinant de près.

 

« Donc, » c'est correct. D'un autre côté, cela ne veut rien dire de précis, c'est juste pour indiquer qu'on reparle d'une chose déjà évoquée. Mentir là-dessus, il faudrait avoir fait Sciences Po avant l'ENA.

 

Avec « les peuples d'Europe », tout se gâte. Les peuples n'ont rien à voir là-dedans, ce qui serait plutôt à leur honneur. Ce traité n'a été discuté qu'entre chefs d'Etat et de Gouvernement. À vrai dire, il a été un peu imposé aux petits par les gros, bien aidés en cela par les BERKet les acheteurs d'obligations : les banquiers. Il devra être ratifié par les parlements, et l'enjeu a bien été montré par le président sortant(qu'Allah lui donne la vitesse d'une comète !) : Si nous ne ratifions pas, c'est la parole de la France, notre parole, qui ne vaut plus rien.

Bon, moi j'avais plutôt l'impression que c'était maintenant, que la parole de la France valait à peu près celle de Berlusconi (que Bouddha le laisse à son repos bien mérité). Parce que le seul qui s'est engagé à quoi que ce soit, c'est Nicolas Sarkozy.

De toute manière, les parlementaires savent comment se tirer de ce type de mauvais pas. Ils ont déjà pratiqué pour le Traité de Lisbonne.

Les UMP votent pour. Discipline de parti, c'est ça ou tu perds ta circonscription en juin.

Les socialistes montrent d'abord des doutes, cela permet de mettre en valeur le courage politique dont ils feront preuve ensuite. Le jour venu, les nez les plus sensibles peuvent voter contre, à condition que les collègues moins regardants... s'abstiennent ! Nous n'avons pas voulu cela, Libé en est témoin, qui lit dans nos cœurs.

Les autres peuvent faire ce qu'ils veulent, l'affaire est dans le sac, passez muscade.

Et si vous n'êtes pas contents, c'est le même prix. En cas de raté local dans la ratification, on décide que lorsque « …douze pays l’auront adopté, il sera réputé adopté pour tous ».

Et pour bien border l'affaire, on se passera cette fois d'avoir à modifier la constitution avant. Toujours les mauvais souvenirs... En signant, les États s'engagent à inclure la « Règle d'Or » dans leur constitution. S'il fallait que les élus votent sur chaque détail, on n'en sortirait jamais.

Ça, c'est fait.

 

L'expression « unis dans un élan de fraternité » est plus vieillotte, je l'admets. Il y a beau temps que cette sorte de pose est abandonnée par la propagande officielle. Ces temps-ci on nous montre plutôt unis dans l'amour du libre-échange. Quoi qu'il en soit, ces affirmations sont aussi fausses l'une que l'autre.

Avec ce traité, nous sommes unis dans le projet d'achever le premier qui montrera une faiblesse. Enfin, plutôt le deuxième. Le premier c'est le Grec, et la curée est déjà bien commencée.

En effet, le traité prévoit en cas de transgression, des sanctions appliquées par la Cour de Justice européenne. Et comme elle n'est pas compétente, puisque tous les membres n'ont pas signé, il faudra qu'un autre État la saisisse pour faire condamner le contrevenant. « Mon voisin s'appelle Lévy », disait Dupont téléphonant à la Kommandantur.

On lui appliquera alors une punition amende. Celle-ci peut monter à 0,1% du PIB: autrement dit, si vous dépassez les 0,5% autorisés en arrivant, mettons à 0,6%, vous avez 20% de dépassement. On vous colle une amende de 0,1% du PIB. Pour la payer, puisque vous êtes déjà en déficit, bien entendu vous empruntez, disons à un taux de 10%. Cela fait encore 0,01% du PIB.

Résultat des courses: sur 2000 milliards de PIB, vous avez droit à 10 milliards de dette. Vous en aviez 12, on vous en recolle 2 avec 0,2 d'intérêts: vous êtes maintenant à 14,2 milliards.

On vous re-punit ?

 

La formule « se sont librement donné un nouveau cadre » appelle aussi des réflexions désobligeantes. D'abord il ne s'agit pas d'un nouveau cadre. On resserre une vieille ceinture qui a déjà servi. On a juste rajouté quelques clous à l'intérieur. Le montant de crédit autorisé passe tout de même de 3% du PIB à 0,5%. Quitte à baisser, on divise par six, ne soyons pas timides. Rappelons au passage que l'objectif de 3% n'était atteint par presque personne. Donc on le rend 6 fois plus dur: logique. Cette fois, plus aucun investissement de long terme n'est possible. On voit clairement ce que doivent devenir les Etats: gestionnaires du service minimum, squelettes sans pouvoir. Dailleurs, pour s'en assurer, on oblige chaque Etat à soumettre « toutes les grandes réformes de politique économique qu’il envisage » aux autres. On est tout de même contents d'avoir élu des députés!

Joli paquet cadeau, non ? Ajoutons-y le ruban: ces interdictions de crédit s'appliquent non seulement aux Etats, mais aux villes, départements, régions, caisses de Sécu, retraites, ASSEDIC, etc...

Du boulot sérieux.

 

Voyons pour terminer «  l'effondrement de toutes les barrières ». Une sorte de bouquet final. D'abord, tout Etat en difficulté sera placé sous l’égide du mécanisme européen de stabilité, (le M.E.S). C'est une sorte de FMI, qui a exactement la fonction de la Troïka en Grèce. Contrôle des décisions, et détention des aides, afin de s'assurer qu'elles seront bien affectées. « Bien », c'est-à-dire à destination du remboursement du crédit. Assurons-nous que tout l'argent prêté, sur lequel on se ruine en intérêts, sera directement reversé aux banques françaises, allemandes, etc... On sent nettement poindre une séparation du monde entre créanciers et débiteurs. D'ailleurs toutes ces mesures autoritaires de mise sous tutelle pourront s'appliquer à n'importe quel état en difficulté, sauf... L'Allemagne et la France! Ils ne font même plus l'effort de faire semblant, d'être un minimum hypocrites pour ménager les susceptibilités.

And the winner is...

 

Cette histoire de Règle d'Or me fait de plus en plus penser à un Pacte d'Acier, de sinistre mémoire. Heureusement, il a mal fini. Enfin, maintenant, lorsque vous entrendrez parler du nouveau traité ou du mécanisme européen de stabilité, vous vous méfierez. Et si vous n'en entendez pas parler, faites encore plus attention. Ceux qui ont près de chez eux un mouvement d'opposition à cette chose immonde, peuvent peut-être envisager de s'y joindre. Il y a matière.

 

Bonne St Valentin.

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A
Heureusement, notre ami Hollande a dit qu'il ne le voterait pas...Mais comme il sera déjà voté, on verra s'il s'oppose à son application. On sent déjà la piétaille PS fourbir les armes et les<br /> trompettes pour monter à l'assaut...
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F
Ajout: le vote de cette chose doit se dérouler le 21 février, dans une semaine tout juste
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