Le cadre se rebiffe

Publié le par cassetoi-vlp

La chose n'est pas si courante et mériterait un franc et sincère sourire de réjouissance si elle n'était le signe d'une telle urgence. C'est le blog « les échos de la gauchosphère » qui s'en est fait l'écho hier, mais l'article original est paru dans Le Point, et cette convergence en elle-même mériterait d'être signalée. Ce périodique compte, rappelons-le, parmi ses éditorialistes Franz-Olivier Giesbert, que l'on ne présente plus, l'inénarrable Bernard-Henry Lévy, les yeux du Grand (?) Chef dans ce monde barbare, Nicolas Baverez le terrifiant économiste de France Culture, et … Valéry Giscard d'Estaing !

 

Il s'agit d'une table ronde entre huit syndicats de la fonction publique. Mais pas n'importe quels syndicats. Non pas des infirmières surchargées ou des internes sans papiers exploités, mais des directeurs d'hôpitaux représentés par le Syndicat des managers publics de santé. Aucun instit prolétarisé, ou prof d'histoire communiste et barbu, non, mais les inspecteurs et les directeurs départementaux de l'Education Nationale appelés inspecteurs d'Académie. Pas le moindre gardien de la paix harassé par la course au chiffre, mais le syndicat des commissaires de la police nationale. Pas l'ombre d'un maton de centrale surpeuplée ou d'une greffière enterrée sous les dossiers, c'étaient les magistrats eux-mêmes qui participaient.

Signe des temps encore, cette rencontre avait lieu dans les locaux de la MGEN, Mutuelle Générale de l'Education Nationale, récemment victime comme ses consoeurs de la enième surtaxe destinée à éviter d'imposer les hauts revenus. Solidarité discrète mais efficace de qui n'en pense pas moins.

 

Le pouvoir actuel a toujours méprisé les corps intermédiaires, dès avant que l'Elysée soit occupé par son actuel « locataire » (qui ne paie d'ailleurs aucun loyer). Il suffit pour s'en convaincre de parcourir « Sarko m'a tuer » des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Préfets, juges, commissaires, journalistes et autres sont traités comme des larbins, depuis que Sarkozy est entré dans un précédent gouvernement. Mais les cadres de la fonction publique ont l'habitude d'encaisser, ce sont des milieux où le devoir de réserve n'est pas un vain mot et l'on faisait le gros dos en ravalant les humilitations . Quoi qu'en pensent les talibans libéraux, on a chez les fonctionnaires une haute idée du service public. On sait faire tourner la machine de l'Etat malgré les brouillonneries politiciennes de « gouvernants de rencontre » (Charles De Gaulle, 18 juin 1940, Radio-Londres). On est accoutumé à tenir les murs de la maison, et à la fermer, surtout parmi les dirigeants. Ces gens sont formés, compétents, ils ont un niveau d'études que pourraient leur envier bien des hommes d'affaires et certain président. Ils assument des responsabilités importantes pour des revenus qui feraient pouffer de rire n'importe quel manager du privé à ce niveau. Il y a bien une autre raison qui les y pousse. Et je suis persuadé que c'est la même qui les a rassemblés mercredi dans les locaux de la MGEN, celle qui motive l'ensemble de leur action professionnelle, l'idée qu'ils se font de l'intérêt général.

Attention : je ne suis pas toujours d'accord avec cette idée, et il m'est arrivé plus d'une fois de lutter contre les décisions d'un inspecteur d'Académie ou d'un recteur aveuglé par les considérations budgétaires. Mais la grande majorité se compose d'honnêtes gens, compétents et sérieux. Et l'économie des deniers publics est aussi l'une de nos valeurs communes, du haut en bas de l'échelle.

 

Cette rencontre était une première, une de plus, sous ce pouvoir inouï. Elle a un sens. Les limites sont franchies, de l'incompétence et du dogmatisme libéral. Les gens en gris sortent du bois et saisissent les banderoles, à leur manière. Quiconque négligera ce signal commettra une lourde erreur.

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F
Bonne analyse de la situation. Je me permets de reprendre la conclusion dans mon article.
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G
je ne connaissais aps ton blog, découvert grâce à un commentaire sur le mien, j'ai suivi le lien, et me voilà ici... je ne regrette pas ! Comment ais-je pu passer à côté ? Je te rajoute dans ma<br /> blogroll ! Bonne continuation l'ami de gauche.. et manifestement de combat pareillement....
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